need a vet, plz. (théa)

Tu es probablement toujours dans l'espoir de le croiser, maintenant, c'est pour ça que tu sors un peu plus … Tes parents qui pensaient que tu étais victime d'une grave phobie sociale ont paniquer plusieurs fois ces derniers jours, lorsqu'on leur a annoncé qu'en venant, la femme de ménage ne t'avais pas trouvée chez toi. Ta mère appelle maintenant des dizaines de fois par jour, et tu te demandes si c'est pour toi qu'elle s'inquiète, ou pour les autres. Après tout, elle te pense complètement dingue, elle n'a jamais chercher à réellement te comprendre, à instaurer le dialogue avec toi, tu ne serais pas étonnée qu'elle te pense dangereuse, ou dérangeante pour le reste de la population. Ce serait l'explication, non ? Pour qu'elle se manifeste autant, maintenant qu'elle sort que tu mets le nez dehors …

Dans tous les cas, tu y as pris goût. Au départ, c'était vraiment dans l'espoir, et dans l'optique de le croiser, mais maintenant, tu t'éloignes parfois de ton quartier, et du sien, tu apprends à découvrir Fountain Hill, un comble, quand on sait que cela fait pratiquement cinq quand que tu vis ici, sans avoir jamais pris le temps de te balader dans les rues. Tu apprends à découvrir les restaurants, les cafés, les librairies … Parfois, tu te ramènes toi-même à manger, tu as aussi acheter quelques bouquins par toi-même, et si tu ne laisses pas les gens t'approcher facilement, si tu as même cette étrange tendance à fuir et éviter le regard des autres, sans doute par manque d'habitude, tu n'es pas si mal à l'aise qu'on aurait pu l'imaginer, dehors.

En cette fin de matinée, tes pas t'ont menés dans un petit parc, un endroit charmant où bon nombre de personnes semblent passer pour promener leurs chiens. Lorsque tu entres, il n'y a personne, alors tu viens t'installer sur un banc, près de la petite mare, ton bubble tea à la main, tu te mets à siroter, bien à l'abri dans ton blouson épais, tu ne penses à rien, et ça te fais beaucoup de bien. En réalité, tu n'es dérangée par personne durant de très longues minutes, c'est le contact étrange de cet animal qui vient se frotter à ta jambe qui te fait bouger. Un chat. Un chat tout blanc qui vient prendre une dose de contact humain sans rien demander et que tu te penches pour venir caresser. « Hé le chat, qu'est-ce que tu fais tout seul dans le froid ? » Il ronronne. Tu continues de le caresser … mais alors que tes doigts quittent enfin son pelage, tu constates qu'ils sont tâchés de sang. Ni une, ni deux, tu profites de la coopération évidente du chat en ta présence pour l'attraper, délicatement, constater une plaie béante sur la cuisse du pauvre animal. « Oh, non … Qu'est-ce que tu as fichu, hein ? » Lentement, tu te lèves, et puis, tu marches avec ce chat dont tu ignores la provenance entre les bras pour finalement arrêter la première personne que tu croises. « Excusez-moi … vous sauriez où je peux trouver un vétérinaire ? »

Tu te rends compte à quel point tu n'es plus à l'aise avec l'idée simple de communiquer en direct avec une personne faite de chair et de sang. Discuter via deux écrans interposés, c'est facile, mais s'adresser à un être humain de cette manière, ça te fiches immédiatement une drôle d'angoisse, pourtant, tu n'hésites pas à le faire, sans doute guider par ta sensibilité, par la crainte de voir ce pauvre chat souffrir plus longtemps entre tes bras … quand bien même l'animal n'a pas spécialement l'air de se plaindre, pour l'instant.

C'est une jeune femme qui se trouve prise en otage par ta demande, c'est une petite ville Charlie mais il semble que tu aies eu la malchance de tomber sur l'une des seules personnes qui en sache autant que toi sur Fountain Hill, et tu soupires, cherchant d'or et déjà autour de toi s'il n'y a pas quelqu'un d'autre à qui tu pourrais répéter ta question. Face à toi, pourtant, l'inconnue ne semble pas être du genre à passer son chemin, malgré sa confusion, le fait qu'elle ne soit pas d'ici, elle parle tout de même d'une clinique vétérinaire dont elle a le souvenir, et par ses mots, elle capte à nouveau toute ton attention. « C'est vrai ? J'ai vraiment besoin de l'emmener, je ne sais pas depuis quand il est blessé, mais je n'aimerais pas que ça s'aggrave … » Tu sers un peu plus l'animal contre ton coeur, ce n'est même pas ton animal, et maintenant que tu le vois ainsi, plus proche, plus clairement, maintenant qu'il est entre tes bras, tu vois bien qu'il est sale, que ses poils sont emmêlés et qu'il n'a certainement pas été assez nourris ces derniers jours. Probablement un chat errant …

« C'est que … » Durant un instant, tu songes que tu préfèrerais réellement qu'elle te donne une direction, tu peux y aller à pied, tu peux marcher, Fountain Hill ce n'est pas si grand et tu n'as rien d'autre à faire. Mais tu baisses à nouveau les yeux sur le félin, tu songes qu'il est blessé, et tu te dis que ce serait bien d'y être au plus vite. « D'accord, c'est gentil … je vous suis. » D'un geste, tu la laisses prendre une direction, avant de lui emboiter le pas, tu te concentres à offrir quelques caresses au chat avant de relever le nez pour faire un effort de sociabilité et de politesse. « Au fait, moi c'est Charlie ... je t'ai même pas demandé ton prénom. »

Ta vie aurait pû être si différente quand on y pense. Tu es née avec une cuillère en or massif dans la bouche, Charlie, autant dire que tu aurais pu profiter de l'argent de papa et maman pour mener la grande vie, tu aurais pu devenir l'une de ces filles à papa qui jouent les divas, ou simplement une fille qui a les moyens et qui sait dépenser l'argent de ses parents, dans des voyages par exemple … Tu pourrais mener la grande vie et être entourée de tout un tas de personnes différentes, seulement, à la place, tu es cette jeune femme, mignonne mais incapable d'interactions sociale normale sans une certaine appréhension. Fort heureusement, tes années à t'isoler n'ont pas fait tant de dégâts, tu sens au fond de toi que si tu fais quelques efforts, tu pourrais t'adapter à nouveau à une vie normale mais pour le moment, être dehors et interagir avec une inconnue, ça sort clairement de ta paisible zone de confort.

Cela dit, tu te raisonnes à nouveau, tu forces sur tes réflexions pour te souvenir que tu n'es pas au centre du problème à ce moment précis et que cette pauvre bête qui n'a rien demandé d'autre aujourd'hui qu'un peu d'attention est actuellement blessé, et qu'il a besoin de soins. Ah, il va être surpris papa, hein, quand il verra une note de vétérinaire passer dans tes décomptes de carte de crédit, d'ordinaire, il n'y a rien d'autre que de la nourriture en livraison, et quelques babioles commandées sur le net …

Et bien étrangement, c'est le chat qui te rassure, tout contre toi. Tu suis cette jeune femme jusqu'à sa voiture, jusqu'à même trouver le courage de te présenter, et de lui demander son prénom, comme si avoir au moins une information était quelque chose de rassurant. « Enchantée … Théa. » C'est bien comme ça qu'on dit, non, dans la vie réelle, quand une personne donne son prénom ? Tu supposes que ça fera l'affaire. « Non … Charlie, c'est tout. » Pas vraiment banal pour une jeune femme, tu en as bien conscience, mais que voulez-vous ? On ne choisit pas son prénom, comme on ne choisit pas ses parents, ou sa famille.

Arrivée devant la voiture, tu l'observe un instant. Tu sors peu c'est un fait, mais il n'empêche que tu te retrouves un peu surprise … Tu ne sais pas trop, mais basiquement, et comme un gros cliché, tu aurais imaginé cette frêle jeune femme au volant d'une petite citadine bien compact, et surtout, bien plus récente. Pour le coup, Théa conduit littéralement une pièce de musée, mais peu importe, ce n'est pas ce qui t'empêche de te glisser sur le siège passager, de mettre ta ceinture, et de caler le chat sur tes genoux. « Tu … viens de t'installer en ville, du coup ? »

Elle s'excuse, et sur le moment, tu lui lances un drôle de regard avant de prendre le temps de regarder réellement autour de toi. Il y a des affaires un peu partout, oui, surtout à l'arrière, cela dit tu ne te sens pas spécialement dépaysée, tu aurais même plutôt tendance à te sentir dans ton élément, vu que faire le ménage et ranger tes affaires n'a jamais réellement fait partie de tes habitudes. On l'a toujours fait pour toi, forcément, maintenant c'est compliqué pour toi d'avoir des réflexes pour conserver un peu d'ordre dans ton espace de vie. « Oh, t'en fais pas, mon appart' serait dans le même état si la femme de ménage ne venait pas s'en occuper… » Avoir quelqu'un qui fait ce genre de tâches à ta place, ça fait partie de ton quotidien depuis ta naissance. Jamais on ne t'as demandé de faire ta propre vaisselle, ou de t'occuper de ton linge sale, tu ne sais même pas faire ton lit toute seule, même si ces dernières années tu t'es mise en tête de faire quelques efforts pour faire quelques bricoles toute seule, comme la grande fille que tu es censée être. Ouais, t'as vraiment des problèmes de riches, Charlie.

Et finalement, tu ne sais pas tellement pourquoi tu poses cette question à Théa … Effectivement, cette jeune femme vient de s'installer à Fountain Hill, mais tu ne peux rien faire de concret de cette information, tu te vois mal lui proposer ton aide pour s'y retrouver dans le coin, tu peines déjà à ne pas te perdre dans les rues étroites du centre-ville. « Non … En fait, ça fait cinq ans que j'ai mon appartement ici c'est juste que … je sors pas beaucoup … » Un euphémisme. Tu devrais probablement dire que tu ne sors pas du tout, même si en ce moment, depuis le retour de ces gens disparus - de Judd plus précisément - tu mets un peu plus le nez dehors dans le seul espoir de lui tomber dessus et de le voir. Autant dire que tu te vois mal lui expliquer tout. « J'ai quelques problèmes avec … le côté social de ma vie. » Tu caresses le chat de plus belle, le contact avec le poil doux de l'animal est rassurant d'une certaine manière, et il semble être ton ancre dans cette voiture.

« C'est pas mon animal … et tu as raison, j'ai jamais eu d'animal. C'est un chat errant, enfin je suppose. » S'il a un propriétaire, tu seras vite fixée chez le vétérinaire, mais tu avoues qu'une part de toi aimerais que ce ne soit pas le cas, c'est égoïste, mais tu sembles capable de t'attacher vite à une boule de poil, et tu te dis que tu pourrais clairement lui faire de la place chez toi, ça te ferais de la compagnie. « S'il avait une famille, ils se seraient probablement mieux occupés de lui, tu ne crois pas ? »

Des gens qui font du mal aux animaux. Et volontairement en plus. Oh, tu n'es pas naïve, Charlie, toi qui sillonne Internet à longueur de journée, parfois, toi qui passe une bonne partie de ta vie sur les réseaux sociaux, tu en as vu des trucs sacrément horribles défiler sous tes yeux innocents, des vidéos, des choses bien trop graphiques auxquelles n'importe qui aimerait échapper mais que certains estiment devoir mettre sous les yeux des gens pour éveiller les consciences… Au final, tu te dis que c'est un certain confort, pour toi, de ne pas tellement côtoyer le genre humain, l'Homme est effrayant et incompréhensible, tu ne parviens même pas à imaginer les raisons qui font que l'on puisse volontairement faire mal à un être comme celui qui se prélasse sur tes genoux en ce moment même. Alors, tu soupires Charlie, loin d'être du genre à débattre avec autrui, tu préfères garder tes états d'âme pour toi, bien que Théa te semble pourtant bien sympathique.

Durant de longues minutes, tu te contentes de fixer le félin, de lui offrir des caresses apaisantes comme si cela suffisait à apaiser sa douleur … D'ailleurs, tu te fais la réflexion qu'il n'a même pas l'air de souffrir, la pauvre bête semble s'être habituée à la douleur et ça te sers le cœur d'y songer. « Peut-être que je pourrais l'adopter dans ce cas … » Tu hausses les épaules, tu ne sais même pas si tu en es capable, tes parents t'ont mis dans la tête que tu n'étais même pas capable de t'occuper de toi par tes propres moyens, et tu n'as jamais cherché à leur prouver le contraire, parce que jusqu'à présent, peut-être que ça t'arrangeais bien. « Mh … Je n'allais pas le laisser continuer de errer seul dans le froid dans cet état. » Évidemment, ça te parait tout naturel, tu n'as jamais eu le défaut d'égoïsme, Charlie, et tu n'as certainement jamais été capable non plus de passer sur le malheur d'autrui.

Tu finis par apercevoir une pancarte, à plusieurs mètres, les couleurs t'interpellent et tu te penches un peu pour déchiffrer ce qui est inscrit. « Oh, c'est là, non ? Clinique vétérinaire ! » Tu montres du doigt, le chat s'est redressé sur toi, comme s'il sentait que vous touchiez au but, ou comme s'il appréhendait quelque chose, tu ne sais pas trop. « Est-ce que … tu peux te garer par ici ? »